Après avoir demandé aux collectivités de dépenser moins, par la voie de la Cour des comptes, voilà que la banque européenne d’investissement (BEI) leur enjoint de dépenser…. plus, en empruntant « à pas cher ». Une explication s’impose !
« C’est simple » (enfin, faut voir !) La Banque européenne d’investissement ouvre une ligne de financement de 2 milliards d’euros auprès de la Caisse des Dépôts pour des « prêts de long terme destinés à financer des projets de petites et moyennes collectivités liés à la transition écologique et énergétique ». Cette somme représente pas loin de la moitié des emprunts nouveaux réalisés chaque année par les collectivités « petites et moyennes ». On objectera que l’enveloppe ne sera certes pas consommée en totalité en 2016. Certes, mais il est peu vraisemblable que les projets cumulés présentés par les mêmes « petites et moyennes collectivités » atteignent ce tel niveau d’emprunt. Pourquoi ? Parce qu’on répète aux collectivités qu’il faut un autofinancement minimal pour présenter un projet.
« C’est pas cher ! » (mais il faut rembourser…) En première approche, il est exact qu’un taux d’intérêt à 1,5% a de quoi réjouir tout emprunteur. La crise de liquidités de 2008 est certes derrière nous. La disparition du prêteur historique, Dexia, a laissé la place à La banque postale et à d’autres opérateurs. De plus, l’offre obligataire se diversifie. Elle représentera même en 2016 plus de 10% des nouveaux emprunts réalisés par les collectivités. Mais la difficulté est « juste » que tout emprunt mobilisé pèse les années suivantes sur les dépenses de fonctionnement de la collectivité (par le biais des intérêts à rembourser) et sur les dépenses d’investissement (par le capital à rembourser). Or, la baisse de l’épargne brute rend plus difficile, d’année en année, le maintien des marges de manœuvre des collectivités.
Faudrait savoir ! Les pouvoirs publics répètent jusqu’à plus soif que les collectivités locales doivent « baisser leur train de vie », « réduire leurs dépenses », « diminuer leurs embauches ». Mais… Car il y a un mais ! « Les collectivités doivent continuer à investir ». Même si elles peinent, demain, à rembourser. Contradiction quand tu nous tiens. Chaque année, les collectivités locales réalisent, ensemble, un peu plus de 70% des investissements publics civils. Ce chiffre, répété jusqu’ici à satiété, est le résultat de milliers de décisions prises sur le terrain par les élus. Ces investissements sont financés soit par autofinancement, soit par emprunt. Or l’autofinancement des collectivités diminue fortement depuis plusieurs années, notamment parce que les dotations de l’Etat baissent.
Cerise sur le gâteau, le ministre des finances a rajouté à la palette de l’éligibilité à ces emprunts « l’accueil éventuel de populations précaires ». Chic alors ! Les communes « petites et moyennes » vont pouvoir emprunter pour participer à ce qui est une politique de l’Etat ! Dans le même temps, l’Etat va transférer en douce aux communes les actes liés aux PACS. Sans moyens supplémentaires naturellement…
Jean-Luc Bœuf
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