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Management : dépasser les idées reçues… ! Entretien avec Philippe Mocellin, DGS de Perpignan

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Fiche pratique n° 2491

 

Club Territorial / juillet 2025 

Emploi-collectivités a ouvert une tribune pour les DGS et Services RH afin de leur permettre de s'exprimer sur notre site pour partager leur expérience, leurs réflexions sur la vie des collectivités.

Questions à Philippe MOCELLIN, Directeur Général des Services de la Ville de Perpignan, Docteur en Science Politique. 

« Management : dépasser les idées reçues… ! »

 

Emploi-collectivités : A quoi renvoient les enjeux du management dans le secteur public ? Quel est votre avis en qualité de Directeur Général des Services d’une collectivité locale ? 

 

Ph. MOCELLIN : Diriger l’administration d’une collectivité locale, c’est d’abord et avant tout se préoccuper du management d’équipes et de compétences diverses et variées…

Thomas GUILMET et moi-même avons beaucoup insisté sur cet aspect dans notre récente tribune. 

Mieux encore, nous considérons que le management est au cœur du projet de développement local et constitue une des clés de voute de la réussite collective. 

Le management est en effet une priorité et doit faire l’objet, dans nos organisations administratives territoriales, d’un apprentissage des bonnes pratiques. 

En évitant les expressions convenues, pour mieux dépasser, les idées reçues en vogue ! 

Former nos encadrants, changer les postures et privilégier, je l’ai déjà souligné, l’autonomie, la confiance et cette capacité à apprécier la complexité des situations. 

Face à un rapport au travail en pleine évolution, l’enjeu du management d’aujourd’hui est de s’assurer que chaque agent public soit pleinement reconnu pour sa compétence et son potentiel.

Encore une fois, marier bienveillance et autorité, non pas pour se soumettre, sans réfléchir, à une hiérarchie verticale mais pour mieux « faire grandir » les équipes, en faisant preuve d’un vrai courage managérial ! 

En clair, concilier la verticalité « intelligente » et le travail en transversalité, contribuant à l’efficience du service à rendre au quotidien. 

Vouloir rendre les agents heureux au travail, notion oh combien subjective, suppose d’abord que les missions soient clairement assorties d’objectifs atteignables, en donnant alors un vrai sens à l’action publique. 

Qui plus est dans l’environnement général que nous connaissons, bardé d’incertitudes, entretenant un climat plus qu’anxiogène. 

 

Emploi-collectivités : Dans cet esprit, vous semblez vouloir lutter contre certaines évidences ou grands « poncifs » … ? 

 

Ph. MOCELLIN : Oui et je tiens compte d’ailleurs, avec grand intérêt, des interpellations de Julia de Funès, philosophe d’entreprise, qui dénonce, avec justesse, les « dérives moralisatrices, démagogiques et procédurières », en vigueur dans le monde professionnel et ce qu’elle nomme, elle-même, « la vertu dangereuse » … 

La « bien-pensance » managériale existe aussi et il faut, par principe, prendre du recul et conserver son libre arbitre de manager. 

Plus nous parlons d’inclusion, de diversité, de vivre ensemble et de bien-être et plus s’impose un constat désolant, marqué par les arrêts maladies, les « burn out », le découragement et la démotivation. 

En ce sens, méfions-nous en effet des clichés et des lieux communs… 

Si face à un danger et ou à un imprévu, la solidarité s’organise autour d’un objectif partagé, n’oublions pas pour autant de considérer que le collectif est aussi la somme d’individualités, avec leurs qualités, leurs défauts et leur capacité créative… 

Valoriser le travail individuel et l’apport de chacun est tout aussi nécessaire et indispensable que la mise en place de process… 

A cet égard, le management ne consiste pas seulement à faire respecter des règles, c’est avant tout une compétence… un savoir-faire. 

Je ne crois, du reste, guère à la science managériale, je crois davantage à ce que le manager possède en lui : empathie « instinctive » et souci constant d’exemplarité …. 

Autre poncif à combattre, ce n’est pas le bonheur au travail qui rend performant mais l’inverse ! Donner à chacun la possibilité de s’épanouir et placer la bonne compétence au bon endroit, c’est garantir le bien-être recherché !

Chaque collaborateur doit y trouver son compte, source essentielle de la motivation. 

Par ailleurs, piège à éviter, la bienveillance ne doit surtout pas être considérée comme une faiblesse. Elle repose à la fois sur l’écoute et un dialogue franc et direct et donc, par définition, sur une relation non complaisante… 

Enfin, n’omettons pas aussi de faire confiance… ! Si l’expression est banale, la mise en œuvre l’est moins… 

Comme le souligne Julia de Funès et contrairement à l’adage bien connu, « la confiance exclut, d’une certaine manière, le contrôle ! ».

Si nous faisons réellement confiance, « il faut savoir lâcher prise » ! 

Emploi-collectivités : Pouvez-vous alors, à la lumière de toutes ces considérations, nous rendre compte de votre propre expérience managériale au sein de la Ville de Perpignan ? 

 

Ph. MOCELLIN : Toujours très délicat de parler de soi. Je dois d’abord indiquer que les quelques résultats obtenus sont le fruit d’un travail d’équipe, celui de la direction générale et de toutes les directions sans exception. 

Que chaque collaborateur soit ici très chaleureusement remercié pour leur engagement et leur dévouement !

La mandature n’est, certes, pas encore achevée mais nous avons d’ores et déjà entrepris un travail de bilan. 

Tout n’a pas été parfait, beaucoup reste à faire et à concrétiser.  

Nous avons été en tout état de cause solidaires face à l’adversité et aux épreuves qui ont marqué ce mandat et avons répondu aux urgences, à la crise sanitaire en 2021, aux aléas climatiques, à la sécheresse ou aux accidents de toute nature. 

Je ne peux d’ailleurs que souligner les choix assumés de notre Maire qui a misé, depuis 2020, sur la confiance accordée aux agents du service public municipal pour mener à bien le projet de ville qu’il porte avec son équipe et les politiques publiques qui le traduisent dans les faits et la réalité.   

Au regard des attentes fortes de nos concitoyens et dans des domaines qui ne relèvent pas de leur compétence, nos communes sont en première ligne ! 

Les Maires d’abord, reconnus par l’opinion pour leur disponibilité et dans le même temps, atteints, pour certains d’entre eux, par le découragement, face à la bureaucratie envahissante, au manque de moyens et à la montée de la violence sociale…

Et également, les administrations qui les accompagnent, elles-mêmes en quête de reconnaissance par les usagers, légitimement demandeurs d’un service public de proximité réactif et qu’il convient d’évaluer en continu. 

Dans ce contexte, les pratiques du management sont des pièces maîtresses, garantes de l’efficacité de l’action à mener.  

Grâce aux efforts entrepris par les cadres, les responsables de terrain et avec l’appui des organisations syndicales, nous avons, en toute modestie, fait bouger les lignes… et qu’il s’avère d’ailleurs nécessaire de faire bouger encore… ! 

Des objectifs clairs ont été poursuivis toutes ces dernières années :  encourager la créativité des équipes, conforter la qualité de vie professionnelle et la reconnaissance des missions, en renforçant les liens entre les différentes directions.  

 

De nombreuses initiatives ont été ainsi impulsées et sans viser ici l’exhaustivité, je citerais : la mise en place d’une prestation de « tickets restaurants », à l’adresse de tout le personnel municipal ; l’implication de la direction des ressources humaines dans l’aide, en appui d’audits internes, à la réorganisation des services, répondant, notamment, à un impératif d’optimisation, de mutualisation de moyens et de maîtrise d’effectifs « cible » ; l’approfondissement de la formation des cadres à la conduite des entretiens professionnels ; ou encore la création de la fonction de « conseiller en mobilité », chargé d’accompagner nos agents dans leur évolution de carrière. 

Autant de mesures coordonnées qui auront d’ailleurs contribué à faire diminuer, entre 2019 et 2025, le taux global d’absentéisme et permis d’obtenir de bons résultats concernant celui qualifié de « maladie ordinaire », un des indicateurs « phare » de mesure de la qualité du management… 

 

Emploi-collectivités : Vous considérez cependant que bien d’autres chantiers vous attendent pour le proche avenir….

 

D’importants chantiers sont, en effet, encore à lancer pour les années futures et cela malgré les fortes contraintes financières qui pèsent sur nos budgets. En tenant une ligne cohérente et réaliste en matière de gestion budgétaire, il nous faudra nous donner de réels moyens dans les mois à venir et faire, plus encore, preuve d’innovation managériale. 

Je me permets, pour ma part, de retenir trois axes de progrès pour le proche avenir. 

Le premier est la poursuite du travail, désormais engagé, en matière de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC), dans le but d’anticiper les évolutions et de préparer l’administration et les missions de demain. 

Un répertoire des métiers est, aujourd’hui, en cours de finalisation et fait partie intégrante de ce large programme d’anticipation.

Le second est de « booster » la motivation de nos agents, en donnant à tous nos encadrants de nouveaux outils de management. 

A titre personnel, je plaide pour lancer, en lien avec nos instances paritaires, une étude de faisabilité de l’activation du complément indemnitaire annuel (CIA) :  une des déclinaisons possibles de cette « prime au mérite » qui permettrait de mieux récompenser l’engagement professionnel et la manière de servir. 

D’autres leviers seront aussi activés, à l’instar des critères d’avancement de grades et de promotion interne et à leurs conditions de mise en œuvre. 

Et enfin, le troisième, visant à accompagner, pour ne pas le subir, le virage technologique, déjà amorcé, notamment par l’entrée de l’Intelligence Artificielle (IA) dans notre quotidien professionnel. 

 

A partir d’expérimentations ciblées, de solutions techniques sécurisées, notamment concernant la collecte, la gestion et le stockage de la donnée et d’un plan de formation adapté, il s’agira d’organiser cette transformation numérique de notre organisation administrative et de ses métiers, en s’appuyant sur l’évolution de notre système d’informations, la dématérialisation des services et le développement d’outils collaboratifs, que ce soit à usage interne ou pour gagner en fluidité dans les relations avec les perpignanaises et les perpignanais. 

L’enjeu est bien de libérer du temps « productif » afin de permettre à nos agents d’assurer davantage de présence humaine, là, où les besoins se font sentir et par ailleurs, de faciliter l’investissement dans des fonctions stratégiques et prospectives. 

La marche vers une utilisation raisonnée de l'IA impliquera, en parallèle, l’instauration - et nous y travaillons -, d’une charte éthique définissant un cadre, un guide et des principes, fondés sur la transparence et le maintien d’une pensée « critique ». 

Dans le strict respect des champs de délégations et des rôles de chacun, les élus municipaux ont été et seront, bien entendu, associés à cette dynamique d’ensemble, avec pour seule ambition de faire progresser nos méthodes de gestion et de gouvernance locale, au nom et au service de l’intérêt général. 

Dans ce domaine, comme ailleurs, l’humilité s’impose. 

 

Philippe MOCELLIN est un praticien des collectivités locales et mène, en parallèle, des activités universitaires. Maître de conférences associé, de 2013 à 2019, à l’Université de Poitiers, enseigne la sociologie politique et la géopolitique. Il est l’auteur d’ouvrages touchant à la démocratie locale et aux stratégies de prospective urbaine. A aussi publié, en 2022, chez les éditions Ellipses, une « Introduction à la sociologie » - dont le Club Territorial s’est fait l’écho - et objet d’une réédition en 2026. 


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